Étude de cas : cogestion des pêches au Mozambique - le projet Artisanal Fisheries and Climate Change (FishCC)

Contexte

Si la cogestion des pêches au Mozambique existe depuis une trentaine d'années sous la forme de conseils communautaires des pêches (Conselhos Comunitários de Pesca ou CCP), ces entités n'ont obtenu une reconnaissance juridique adéquate qu'en 2020. Les organisations internationales ont tenté de renforcer l'infrastructure de la cogestion des pêches du pays, notamment au travers du projet de la Banque mondiale « Pêche artisanale et changement climatique » (Artisanal Fisheries and Climate Change, FishCC). Toutefois, les projets tels que FishCC n'ont connu qu'un succès limité. Pour que la cogestion soit couronnée de succès, le gouvernement mozambicain se doit de renforcer le financement des CCP.

Depuis le milieu des années 1990, la cogestion des pêches au Mozambique est axée sur la création de CCP, qui permettent aux communautés locales de pêcheurs de jouer un rôle élargi dans la gouvernance des pêches. Bien qu'historiquement mal défini dans la législation, le rôle de ces CCP dans la cogestion des pêches dans le pays a été énoncé dans un modèle de statuts d'un CCP, publié par l'ancien ministère de la Pêche en 2006. Ce document regroupe les objectifs des CCP en quatre catégories :

Tableau 1 : objectifs des CCP dans les statuts associés, 2006

Objectif fondamental

Contribuer à la préservation des

écosystèmes marins et côtiers

Gestion des pêches

Encourager et recommander les licences de

Pêche

Alerter systématiquement les autorités de

l’administration des pêches en cas de modifications des ressources halieutiques ou de l’environnement dans leur zone.

Complémenter les mesures de gestion

Entreprendre la surveillance et l’octroi de

licences.

Collaborer au contrôle de la pollution

marine et côtière.

Participer à la mise en place de mécanismes

pour restreindre la pêche

Harmonisation des intérêts

Établir des mécanismes de résolution des conflits entre les pêcheurs artisanaux, semi- industriels et industriels, par le biais de la médiation. Promouvoir un marquage adéquat des engins de pêche

Vulgarisation dans le secteur de la pêche

Promouvoir l’éducation et la sensibilisation des communautés sur la nécessité de protéger le milieu marin. Participer à la collecte d’informations sur les activités de pêche, à la formation et au recyclage.

Source : Banque mondiale (2019)

Depuis 2010, le rôle et les statuts juridiques des CCP ont été affinés et renforcés, notamment par le règlement sur la pêche maritime de 2020 (REPMAR) et le modèle de statuts des CCP mis à jour par le ministère de la Mer, des Eaux intérieures et de la Pêche (MIMAIP, Ministério do Mar, Águas Interiores e Pescas) en 2022 (voir le tableau 2).

Au cours de ces dernières décennies, le gouvernement mozambicain a fait de la cogestion une stratégie de gestion des pêches dans le but de lutter contre la surpêche, de résoudre les conflits locaux entre les utilisateurs des ressources halieutiques, de défendre les droits préférentiels des communautés locales en matière d'accès aux ressources et de mettre fin aux pratiques de pêche destructrices et à la dégradation de l'environnement. Les récentes mises à jour législatives montrent l'importance continue de la cogestion dans la stratégie globale de gestion des pêches du pays.

Portée du projet FishCC

Entre avril 2015 et avril 2019, le projet FishCC a été mis en œuvre au Mozambique par le ministère de la Mer, des Eaux intérieures et de la Pêche (MIMAIP), avec le soutien de Rare, une ONG internationale, ainsi que de diverses autorités provinciales et locales. Le financement du projet FishCC a été assuré par le Fonds nordique de développement et administré par la Banque mondiale.

Le projet FishCC vise à s'appuyer sur les travaux réalisés par les précédents projets de pêche artisanale menés par le gouvernement, tels que le projet de pêche artisanale et de cogestion (PPACG) et le projet relatif aux droits aux ressources des pêcheurs artisanaux (ProDIRPA), afin d'"améliorer la gestion communautaire des pêcheries prioritaires sélectionnées". L'objectif principal du projet consiste à transformer la gestion des pêches artisanales côtières au Mozambique en adaptant et en pilotant « Fish Forever », un modèle de gestion des pêches basé sur les droits des communautés et développé par l’organisation Rare (voir encadré 1). En renforçant la durabilité de ces pêcheries, le projet FishCC visait à améliorer la résilience et la capacité d'adaptation des moyens de subsistance des communautés côtières du pays face aux effets du changement climatique.

Six sites possédant déjà au moins un CCP opérationnel dans les provinces de Cabo Delgado, Nampula, Inhambane et Maputo ont été sélectionnés pour la mise en œuvre du projet FishCC. Deux sites - Mefunvo, situé à Cabo Delgado, et Machangulo, à Maputo - étaient situés dans des zones protégées désignées en vertu de la loi mozambicaine sur la conservation de 2013.

Figure 1 : Carte des CCP inclus dans le projet FishCC

Source: World Bank, 2019

Réalisations et défis du projet FishCC

Le projet FishCC, mis en œuvre sur six sites pilotes, a comporté trois composantes :

  1. L’amélioration de la gestion communautaire des pêches fondée sur les droits

  2. L’Amélioration des moyens de subsistance

  3. L’appui au renforcement des capacités et à l’engagement communautaire nécessaires en vue de développer et mettre en œuvre une approche de la cogestion des pêches basée sur le marketing social.

Bien que le projet ait été freiné par un certain nombre de facteurs (notamment la réorganisation du ministère de la Pêche peu après le lancement du projet en 2015 et l'absence d'un cadre juridique pour la création de zones de gestion communautaire dans le pays), certains résultats significatifs ont été obtenus. Dans les six sites couverts par le FishCC, les CCP ont été en mesure de définir et de cartographier les limites des aires de gestion. Des réserves fermées à la pêche ont été approuvées sur le principe, mais elles n'ont pas été entièrement désignées et délimitées dans aucun des sites. Parallèlement à ces propositions d’établissement de réserves, un certain nombre d'autres mesures prioritaires de gestion des pêches ont été approuvées, comme le montre le tableau 2.

Tableau 2 : Mesures de gestion prioritaires pour chacun des six sites/communautés où le projet FishCC a été mis en œuvre

Mefunvo

Memba

Fequete

Pomenae

Zavora

Machangulo

Mesures de gestion prioritaires

Tous les pêcheurs

à la senne de

plage doivent

passer au filet

maillant ou à la

ligne à main

Mettre en place

une réserve

fermée à la pêche

et réduire

l’utilisation de

moustiquaires

Les pêcheurs à la

senne de plage

respectent des

saisons de

fermeture d’un

total de cinq mois

Éliminer la pêche

au harpon et

mettre en place

une réserve

fermée à la pêche

Réduire ou

éliminer la pêche

au harpon et

mettre en place

une réserve

fermée à la pêche

Mettre en place

une réserve

fermée à la pêche

dans l’estuaire de

Bembi


Source : Banque Mondiale (2019)

Cependant, la principale réalisation du projet FishCC réside dans le fait que l'expérience acquise grâce au développement des CCP sur les sites couverts par le projet a contribué au processus décisionnel lors de la révision du cadre juridique relatif à la désignation des aires de gestion communautaire des pêches, effectuée par le MIMAIP. Cela a abouti à l'adoption de la nouvelle législation relative à la réglementation des pêches maritimes (REPMAR) en 2020, qui non seulement clarifie la voie vers la reconnaissance officielle des CCP, mais mandate également ces organisations en tant que principaux organes responsables de la gestion des pêcheries locales. La législation contient également une disposition qui autorise explicitement la création d' « accords de cogestion conclus avec [...] les conseils communautaires de pêche [CCP] ou d'autres organisations communautaires, afin de partager les responsabilités dans le cadre de la gestion participative des ressources halieutiques ».

Prochaines étapes

La reconnaissance officielle des CCP par le gouvernement dans le cadre de cette nouvelle législation a permis de développer d'autres accords de cogestion dans tout le pays, ce qui offre de bonnes perspectives pour l’avenir. On peut notamment citer le CCP fondé à Cabaceira Pequena en 2022, qui, grâce à des actions de formation destinées aux membres de la communauté sur la gestion durable des pêches, a réussi à adopter de nouvelles périodes d'interdictions temporaires de la pêche, lesquelles ont entraîné une augmentation des captures pendant la saison de pêche. Cependant, les entretiens menés auprès des membres du CCP situé près de la ville portuaire de Beira en janvier 2024 ont révélé que le gouvernement central n'accordait qu'un financement très limité à ce type d'organisations. À l'avenir, il est essentiel que le gouvernement mozambicain fournisse un financement adéquat aux CCP et aux autres organisations de gestion des pêches. Il doit notamment s'assurer d'utiliser les revenus provenant des licences de pêche industrielle à cette fin, conformément à ses obligations énoncées à l'article 46 du règlement de 2017 relatif à la concession des droits de pêche et à l'octroi des licences de pêche.

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