Quels sont les défis liés à la mise en place et à la gestion d'une ACP, et comment les relever ?

Le manque d'intérêt ou de capacités des membres de la communauté à former une ACP

L'un des principaux défis rencontrés dans le cadre de la collaboration entre plusieurs parties prenantes réside dans le manque d'intérêt ou de capacités des membres à s'engager dans la formation d'une structure de gestion collaborative. Des intérêts concurrents, un manque de rémunération, des désaccords sur les priorités à donner, des conflits liés à la gestion des ressources et la réticence de groupes marginalisés (tels que les femmes) à participer au processus de mise en application des règles sont autant de problèmes qui peuvent décourager les membres de la communauté à collaborer les uns avec les autres. Afin de renforcer l'intérêt des communautés pour la création d'une ACP, il est possible d'intégrer à la cogestion les approches locales existantes en matière de structures de gestion et de sensibiliser les membres des communautés aux avantages mutuels offerts par les ACP, en s'appuyant notamment sur des exemples de réussites dans des zones similaires.

Dans les cas où des groupes marginalisés, tels que les femmes, ne se sentent pas à l'aise pour jouer un rôle actif dans la mise en application des règles, il serait important d'envisager de proposer des formations sur les modes de participation, de mobiliser la communauté de manière générale sur l'importance du rôle des femmes dans la gestion du milieu marin, d'explorer les obstacles à une participation enthousiaste et/ou de trouver d'autres domaines de prise de décision dans lesquels elles se sentiraient à l'aise, tels que le processus d'instauration des règles et des réglementations. En fin de compte, la communauté doit se montrer intéressée et être capable de collaborer avec une entité externe pour former une ACP. Cet aspect doit être pris en considération lors de l'identification d'une communauté avec laquelle travailler.

La résolution de conflits

En réunissant différents représentants de la chaîne de valeur du poisson, il est possible que les besoins et les priorités liés aux ressources, aux droits de pêche et à d'autres questions soient conflictuels. La gestion et la résolution des conflits dans le secteur de la pêche représentent une ressource vitale destinée à promouvoir l'harmonie, la coopération et la résilience au sein des communautés de pêcheurs et des associations de cogestion. Cela passe par le dialogue, la recherche de consensus et le développement de stratégies axées sur le processus de paix.

Divers problèmes peuvent être à l'origine de conflits au sein des communautés de pêcheurs. Ces conflits sont susceptibles de s'aggraver en raison de du déclin des populations de poissons et de la pression ainsi exercée sur les groupes de pêcheurs. Ils peuvent être récents ou profondément enracinés, s'inscrivant dans un ensemble plus large de relations sociales qui peuvent ne pas être immédiatement identifiables par celles et ceux qui sont chargés de résoudre ces conflits. Ces différends peuvent également opposer des individus membres d'une même communauté ou encore des groupes sociaux entre eux, comme par exemple les pêcheurs migrants et les populations locales.

Les ACP, de par leur structure, permettent aux pêcheurs et aux membres de l'association, quel que soit leur genre, de gérer et de résoudre efficacement les conflits, contribuant ainsi à une cogestion efficace et à une meilleure cohésion de la communauté dans le secteur de la pêche. En s'appuyant sur leurs principes fondamentaux de gouvernance participative, les ACP doivent s'efforcer de donner à toutes les parties d'un conflit la possibilité de communiquer clairement leurs griefs, sans crainte de représailles. De même, les membres des ACP doivent veiller à identifier et à atténuer les potentiels biais et conflits d'intérêts susceptibles de survenir en fonction des parties impliquées.

Les communautés peuvent avoir instauré des protocoles de résolution des conflits, qui peuvent éclairer les procédures de résolution des conflits de l'ACP. Toutefois, il existe également un certain nombre d'outils utiles disponibles en ligne permettant d'orienter les organisations sur la manière de gérer les conflits communautaires (en particulier ceux liés à la gouvernance des ressources naturelles). Il s'agit notamment de guides produits par la FAO (dont les directives VGGT et SSF) et d'autres organisations telles que MRAG et Community-Led Alliance.

La corruption

Toute organisation créée dans le but de gérer des ressources est exposée au risque de corruption, en raison de la concurrence qui s'exerce autour des priorités organisationnelles, de la propriété des ressources et de la gouvernance. Il peut s'agir de membres d'une ACP qui se livrent à la pêche INN, qui reçoivent des pots-de-vin pour dissimuler des cas de pêche illicite, ou encore qui ne respectent pas les principes démocratiques et équitables de l'ACP (que ce soit à travers des actions liées aux processus électoraux, aux finances ou à d'autres piliers clés de la structure de l'association). Il est indispensable que les ACP respectent les normes de transparence les plus strictes. Cela passe par la participation de plusieurs parties prenantes aux comités de décision, l'obligation de rendre des comptes et la transparence dans les rapports financiers, ainsi que la documentation et le signalement des infractions commises par des parties prenantes.

La pérennité des ACP

La pérennité des ACP se heurte encore à des obstacles majeurs, parmi lesquels : la pauvreté, l'analphabétisme et le manque d'engagement continu de la part des organisations qui les soutiennent. Les responsables des ONG chargés de la mise en œuvre des projets doivent garantir un engagement continu avec l'ACP, et ce, au-delà de la phase de formation initiale de cette dernière. Ce soutien est essentiel en vue de mieux comprendre les facteurs qui déterminent l'adoption et la mise en œuvre continue des processus pertinents. Les représentants des ONG doivent également assurer des actions de suivi auprès des autorités compétentes, en prévoyant éventuellement des mesures incitatives et d'autres avantages afin d’encourager les membres de la communauté à poursuivre leur engagement auprès de l'ACP. Les praticiens des ONG doivent également explorer les possibilités de financement des activités de cogestion et des coûts liés à la gestion des associations.

L’exclusion des groupes marginalisés du processus décisionnel

La prise de décision dans le secteur de la pêche, et plus largement dans la société, s'est souvent effectuée sans tenir compte des besoins et des priorités des membres de la société qui sont marginalisés. Les ACP cherchent à modifier ce schéma traditionnel et à donner plus de pouvoir à tous les acteurs de la chaîne de valeur du poisson, comprenant des représentants parmi les pêcheurs, les transformateurs et les vendeurs, ainsi que ceux qui jouent un rôle de soutien, tels que les constructeurs de bateaux. Afin de s'assurer que les groupes traditionnellement marginalisés, tels que les femmes, les communautés indigènes et les minorités ethniques, soient inclus dans les décisions qui affectent leurs moyens de subsistance, une analyse des acteurs concernés et des réseaux doit être conduite afin d'adapter la boîte à outils aux besoins de la communauté en question. L'intégration de la dimension du genre doit être une composante majeure des actions de sensibilisation, ainsi que celle de tout autre groupe marginalisé important et pertinent pour la communauté concernée.

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