La côte du Ghana abrite plus de 200 communautés de pêcheurs, qui dépendent de l'océan depuis des générations pour assurer leurs moyens de subsistance et leur sécurité alimentaire. Aujourd'hui, on estime que 2,6 millions de personnes, tout au long de la chaîne de valeur, dépendent de la pêche dans le pays. Cependant, le déclin des populations de poissons et la rareté des espèces de poissons importantes au niveau local, comme la sardinelle, ont condamné de nombreux pêcheurs à vivre dans un cycle de pauvreté et d'insécurité.
La pêche INN est l'un des principaux facteurs du déclin des populations de poissons et elle sévit dans les eaux ghanéennes depuis des décennies. En dialoguant avec les membres d'équipage des navires industriels et les communautés de pêcheurs concernées, EJF a constaté que les incursions illégales des chalutiers dans les six milles nautiques de la ZEC ghanéenne constituaient l'une des formes de pêche INN les plus directement préjudiciables dans le pays. Les filets des pêcheurs en pirogue se retrouvent en effet souvent piégés dans les engins industriels, ce qui entraîne d'énormes charges financières en raison de la perte des captures et des réparations nécessaires. Une étude réalisée en 2022 par EJF a révélé que, sur les 36 membres d’équipage de navires industriels interrogés, 81 % avaient vu leur navire entrer illégalement dans la ZEC, souvent la nuit, les feux du navire étant éteints. Une autre étude récente d’EJF a révélé que près de 75 % des pêcheurs artisanaux interrogés ont déclaré avoir rencontré des navires industriels plus fréquemment qu'il y a cinq ans, 70 % d'entre eux affirmant que leurs filets avaient été endommagés à la suite de ces incidents. Les pêcheurs ont pu obtenir une compensation dans moins de 15 % des cas où les filets avaient été endommagés, ce qui a aggravé davantage leurs difficultés financières.
Afin d'assurer une meilleure détection de ces incursions et de mieux les dissuader, EJF a donc entamé le processus de conception et de déploiement de l'appli DASE. Au cours de l'année 2019, EJF a engagé plus de 700 pêcheurs à travers 48 communautés de la Région Centrale au Ghana, en collaboration avec la Commission des Pêches du gouvernement. Les pêcheurs et les représentants du gouvernement ont été formés à l'utilisation de l'application et leurs suggestions et retours d'expérience ont permis de l'optimiser. Les pêcheurs ont reçu une formation approfondie de la part d’EJF et de partenaires locaux, ainsi que de la Commission des pêches. Cette formation comprenait notamment des informations sur les limites de la ZEC et les mécanismes de la Commission permettant aux pêcheurs de demander une indemnisation. L'application a connu un premier succès lorsque, fin 2019, un chalutier industriel a été pris prétendument en train de pêcher dans la ZEC, des preuves ayant été soumises à la Commission des pêches du Ghana.
Aujourd'hui, après plusieurs années de mise en œuvre du projet, l'application DASE continue d'évoluer et de s'adapter afin de mieux répondre aux besoins des pêcheurs et de refléter les réalités pratiques et comportementales de la surveillance communautaire dans le pays. Le projet inclut à présent la distribution de pochettes en plastique pour protéger les téléphones, l'utilisation d'appareils photo numériques en complément de l'application, ainsi que des réflexions internes approfondies au sein de l'organisation sur la manière de motiver les pêcheurs à s’impliquer efficacement et en toute sécurité. Les représentants d'EJF chargés des relations avec les communautés sont constamment engagés auprès des pêcheurs, leur fournissant un soutien et un dépannage continus, et discutant avec eux pour déterminer s'ils utilisent l'application, comment et quand ils l'utilisent, et quels sont les défis auxquels ils sont confrontés.
Bien que l'application ait été largement déployée sur la côte du pays, il s'est avéré que seul un petit groupe de pêcheurs l'utilisait activement au cours de leurs expéditions de pêche. Pour résoudre ce problème, EJF a lancé un modèle intitulé « DASE champions », consistant à travailler avec un petit nombre de pêcheurs de confiance et plus actifs afin d'entreprendre une surveillance communautaire visant à recueillir des preuves exploitables à des fins d'application de la loi. L'objectif est de recueillir des expériences réussies concernant l'utilisation de l'application et d'encourager un plus grand nombre de pêcheurs à s'engager ultérieurement dans le projet. L'application a également été déployée par l'intermédiaire des structures institutionnelles existantes, en s'appuyant sur la confiance et les connaissances des comités communautaires chargés de l'application de la loi pour chaque plage où les poissons sont débarqués.
L'application DASE a récemment été adaptée au Ghana pour surveiller la préservation des tortues de mer et la pêche au requin. Elle pourrait également permettre de recueillir des informations sur d'autres pressions auxquelles sont confrontées les communautés côtières, notamment la disparition des mangroves et les dommages environnementaux causés par les industries extractives.