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Feb 23, 2025

Communiqué de presse : La flotte thonière chinoise de l'océan Indien recourt au travail forcé de Nord-Coréens, selon une nouvelle enquête de l'EJF

By EJF Staff

Chers journalistes,

Une nouvelle enquête sans précédent de l'Environmental Justice Foundation (EJF) révèle que la flotte de thoniers chinois opérant dans le sud-ouest de l'océan Indien aurait utilisé des civils nord-coréens comme équipage entre 2019 et 2024, violant vraisemblablement les sanctions de l'ONU. Nombre d'entre eux auraient été soumis à des abus, notamment piégés en mer pendant une dizaine d'années, sur des navires impliqués dans la pêche illégale et le massacre de dauphins.

EJF a identifié la présence de civils nord-coréens sur 12 palangriers thoniers opérant dans l'océan Indien, sur base d'entretiens avec des équipages indonésiens et philippins ayant travaillé sur les navires entre mars 2019 et juin 2024. L'utilisation d'équipages nord-coréens semble avoir ignoré les cadres juridiques conçus pour empêcher les biens produits par des Nord-Coréens d'entrer dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

La Chine est une destination clé pour la main-d'œuvre nord-coréenne. On estime que le pays accueille jusqu'à 100 000 travailleurs, notamment dans les usines de transformation des produits de la mer qui exportent vers l'Union européenne et les États-Unis. Cependant, c'est la première fois qu'il est fait état publiquement de la présence de travailleurs nord-coréens sur un navire de pêche en eaux lointaines.

Le traitement réservé à l'équipage nord-coréen, et en particulier le nombre d'années qu'il aurait passées en mer, constitue un travail forcé d'une ampleur qui dépasse largement ce que l'on observe dans l'industrie mondiale de la pêche, déjà truffée d'abus.

Les enquêtes de l'EJF montrent que les navires qui utiliseraient la main-d'œuvre nord-coréenne ont potentiellement approvisionné les marchés des produits de la mer dans l'Union européenne, au Royaume-Uni et en Asie, en dépit des cadres juridiques susmentionnés.

L'équipage nord-coréen a été transféré d'un navire à l'autre, selon une méthode appelée transbordement, afin de l'empêcher de retourner sur la terre ferme. De sévères restrictions ont été imposées à leurs libertés, comme l'impossibilité de quitter les navires lors des visites au port et l'interdiction d'utiliser des téléphones portables, deux éléments qui relèvent des indicateurs de travail forcé de l'Organisation internationale du travail. Plusieurs témoignages ont révélé que les capitaines dissimulaient activement leur présence à bord des navires. Un membre d'équipage indonésien a déclaré à l'EJF : « Six Coréens n'ont pas été autorisés à rentrer chez eux, même après avoir terminé leur contrat de quatre ans. Ils ont simplement été déplacés d'un navire à l'autre. »

Cette flotte s'inscrit dans un contexte plus large de pêche illégale, de ciblage intentionnel d'espèces sauvages vulnérables et de violations des droits de l'homme associées à la flotte chinoise dans le sud-ouest de l'océan Indien, comme l'ont montré les précédentes enquêtes de l'EJF.

Sur les 12 navires faisant appel à la main-d'œuvre nord-coréenne, l'EJF a également identifié des exemples de découpage d'ailerons de requins, de pêche d'espèces interdites et de capture de mégafaune marine, telle que les dauphins. Outre la restriction des droits des civils nord-coréens, l'équipage aurait été victime de violences physiques et verbales et aurait effectué un nombre excessif d'heures supplémentaires.

Cette situation est due à de multiples défaillances dans la gestion des pêcheries et les contrôles portuaires. Les États du pavillon et les organisations régionales de gestion des pêches doivent collectivement et de toute urgence mettre en place des mesures de transparence qui contribueront à lutter efficacement contre le travail forcé en mer, déclare l'ONG.

Steve Trent, PDG et fondateur de l'Environmental Justice Foundation, a déclaré : « Le recours à la main-d'œuvre nord-coréenne à bord des navires de pêche chinois est une preuve accablante de l'incapacité à réglementer nos océans. La pêche illégale et les violations des droits de l'homme peuvent être observées presque sans exception à bord des navires de pêche lointaine de la Chine. Cependant, le recours au travail forcé nord-coréen, pendant des périodes aussi longues, est un exemple particulièrement grave des abus flagrants révélés par l'EJF. »

« Les répercussions de cette situation se font ressentir partout dans le monde : le poisson pêché en recourant à cette main-d'œuvre illégale atteint les marchés des produits de la mer aux quatre coins de la planète. La Chine porte l'essentiel de la charge, mais lorsque des produits entachés d'esclavage moderne se retrouvent dans nos assiettes, il est clair que les États du pavillon et les organismes de réglementation doivent eux aussi assumer pleinement leur responsabilité. Ne pas agir en prenant les mesures nécessaires, peu ou pas coûteuses, pour mettre fin à cette situation, comme le suggère la Charte pour la transparence dans les pêches, depuis la transmission obligatoire des signaux AIS jusqu'à l'élimination ou la surveillance étroite des transbordements, c'est fermer les yeux sur des souffrances extrêmes et évitables. »

FIN

Notes à la rédaction

Lire le rapport de l’Environmental Justice Foundation ICI.

Citations extraites du rapport

« Les membres de l'équipage coréen sont simplement déplacés d'un navire à l'autre au milieu de la mer ; ils sont sur le navire depuis six ans. »

« Chaque fois que nous les avons vus, ils avaient l'air très stressés [...] même six mois [en mer], c'est trop long [pour moi], je serais stressé. Je ne peux pas imaginer que cela puisse durer des années. »

« Les Nord-Coréens ont travaillé sur le navire pendant sept ou huit ans. Leur gouvernement ne les a pas autorisés à rentrer chez eux. »

« Ils n'étaient pas aussi libres que l'équipage indonésien. Un jour, ils sont allés au magasin [à Maurice] pour acheter des provisions, [...] le capitaine leur a dit qu'ils ne pouvaient y aller que ce jour-là. Après ça, ils n'avaient plus le droit de sortir. »

« L'un de leurs collègues ne pouvait pas travailler parce qu'il était un peu malade et qu'il était également âgé. Le maître d'équipage l'a engueulé et lui a dit : "Qu'est-ce qu'il va faire ? Manger et dormir ?" Un des Coréens a répondu en disant qu'il travaillerait pour son collègue parce qu'il était de plus en plus faible et fragile. Le maître d'équipage n'a pas apprécié, il a crié et s'est mis en colère, ce qui a mis les Coréens en colère. Les Chinois ne pouvaient pas contrôler les Coréens, alors ils ont été transférés sur un autre navire. C'était un navire affilié. »

À propos de l’Environmental Justice Foundation (EJF)

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