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Des chalutiers chinois titulaires de droits d’exploitation à Madagascar ont des antécédents de pêche illégale et d’utilisation de faux documents
Feb 24, 2022

Des chalutiers chinois titulaires de droits d’exploitation à Madagascar ont des antécédents de pêche illégale et d’utilisation de faux documents

By EJF Staff

Les autorités malgaches ont autorisé à pêcher au chalut une flotte de navires chinois qui avaient déjà été interceptés en Afrique de l’Ouest pour pêche illégale. Conformément à la réglementation malgache, aucun navire ayant des antécédents de pêche illégale ne devrait être autorisé à opérer dans les eaux du pays, sauf s’il existe une preuve de changement de propriétaire. Toutefois, des documents utilisés par ces navires obtenus par Environmental Justice Foundation (EJF) semblent avoir été falsifiés, ce qui soulève de réelles interrogations quant à la propriété des chalutiers. EJF exhorte le gouvernement à préserver les moyens de subsistance locaux et la sécurité alimentaire en annulant les droits d’exploitation avant que ne débute la saison de chalutage en mars.

La saison de chalutage industriel des crevettes à Madagascar commence le premier mars — les captures sont destinées à l’export vers les marchés européens, d’Amérique du Nord et chinois. La flotte en question, constituée de huit navires, est censée être arrivée à Madagascar en vertu des droits d’exploitations délivrés à Mada Fishery, une société liée à des propriétaires chinois qui s’est enregistrée à Madagascar pas plus tard que l’année dernière.

En 2020, les autorités gambiennes ont intercepté trois navires de la flotte — Gorde 105, Gorde 106 et Gorde 107 — pour avoir pêché illégalement dans des zones réservées aux pêcheurs artisans. Deux d’entre eux étaient également en train d’utiliser des « doubles filets » en violation de la réglementation gambienne en matière de pêche.

Le voyage des navires vers Madagascar, qui a été facilité en partie par la marine chinoise, a été ponctué d’une escale aux Seychelles en mai 2021, où ils ont jeté l’ancre sans autorisation et ont été amenés pour inspection. À l’époque, les capitaines ont produit des documents pour affirmer qu’ils menaient des activités légitimes dans la région; cependant, EJF a découvert que les documents étaient des faux, ce qui soulève des questions sur la véritable identité des navires.

EJF a établi que les numéros d’identification figurant sur les certificats d’immatriculation chinois des quatre navires Gorde (105 à 108) étaient invalides. En réalité, les numéros correspondent à une autre flotte de navires. Au demeurant, les documents des navires Gorde, qui auraient été délivrés par le gouvernement chinois en 2019, mentionnent une compagnie dénommée Shandong Roncheng Dafa Fisheries Co Ltd comme propriétaire. Cependant, EJF a découvert qu’aucune société répondant à cette identification figure dans les registres chinois.

De même, le « Unified Social Credit Identifier » — un numéro unique attribué à chaque société en Chine — ne correspond à aucune société existante. Aussi, il s’avère que les codes des navires, un numéro d’identification à 16 chiffres utilisé par le gouvernement chinois pour les navires de pêche, sont incorrects. En outre, les documents indiquent que les navires Gorde ont l’autorisation du gouvernement chinois pour pêcher dans ses eaux territoriales, mais pas à l’étranger. De plus, un autre lot de documents — les certificats internationaux de jaugeage — prétendument délivrés par la Chine ne sont pas signés.

Enfin, lorsqu’ils ont été interceptés aux Seychelles, les navires Gorde ont rapporté le même indicatif d’appel, tous autant les uns que les autres, sur leur coque et dans leurs documents, ce qui brouille encore davantage leur identité.

Le Code de la pêche à Madagascar dispose que le ministère en charge du secteur « doit refuser » d’octroyer une licence à tout navire étranger qui dans le passé « a participé à des opérations de pêche illicite, non déclarée et non réglementée ».

Steve Trent, directeur général d’EJF, a déclaré : « Le gouvernement malagasy se doit d’adhérer à son Code de la pêche — lequel est bien conçu, d’enquêter et de suspendre les droits d’exploitation de tous les navires de Mada Fishery suspectés de pêche illégale. Il est indispensable que le ministère de la pêche agisse maintenant, avant que la saison de chalutage ne commence, afin de protéger les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des communautés côtières locales qui ont été durement touchées par les récents cyclones. Tout porte à croire que cette entreprise profite du manque flagrant de transparence dans le secteur de la pêche, à l’échelle mondiale, pour dissimuler ses antécédents. Il est crucial que les exploitants de navires soient tenus responsables de leurs actes. Mais cette responsabilité ne sera pas possible tant que des entreprises dont on sait si peu de choses, comme Mada Fishery, seront autorisées à pêcher dans les eaux de Madagascar. Il est aussi nécessaire et urgent que des mesures de transparence soient mises en œuvre partout dans le monde – telles que la mise à disposition du public des antécédents des navires et la publication d’informations claires et détaillées concernant leurs propriétaires. Cela doit être associé à une application stricte des lois sur la pêche. »

Les mystères autour de Mada Fishery ajoutent à l’opacité d’un secteur du chalutage qui est déjà sous haute surveillance pour ses impacts sociaux et environnementaux. Selon les données issues des systèmes d’identification automatique, plusieurs entreprises de chalutage ont probablement pêché dans les zones réservées aux pêcheurs artisans à Madagascar l’année dernière – pas qu’occasionnellement, mais systématiquement. Cette activité industrielle menace les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des petits pêcheurs ainsi que des communautés côtières.

FIN

Notes pour les Éditeurs

  • Mada Fishery détient huit droits d’exploitation de chalutage dans les eaux malgaches jusqu’en 2025. Des groupes de la société civile affirment que le processus d’appel d’offres n’était pas transparent.
  • Mada Fishery est apparemment sous le contrôle de ressortissants chinois. Il s’agit soit d’une société partenaire, soit d’une filiale de Côte d’Or, une autre société implantée à Madagascar, fondée par dix ressortissants chinois en 2019, selon les documents d’enregistrement locaux et les constatations de la société civile.
  • La marine chinoise a escorté la flotte alors qu’elle naviguait dans le golfe d’Aden en direction de Madagascar, début mai 2021, plusieurs semaines avant leur arrestation aux Seychelles. Au total, huit navires ont été escortés par la marine, selon un communiqué de presse de l’armée chinoise. Des photographies des navires de pêche prises depuis le pont d’un cuirassé semblent ressembler aux navires Gorde.