
Un nouveau film révèle l’impact caché de la pêche illicite au Cameroun et appelle à des réformes urgentes en matière de transparence
Un nouveau film publié par l’Environmental Justice Foundation (EJF) met en évidence les impacts de la pêche illicite sur les communautés côtières camerounaises, soulignant les défis liés au respect de la législation, les préoccupations en matière de droits humains et la nécessité urgente de renforcer la transparence dans la gouvernance des pêches.
Le film donne la parole à des membres d’équipage camerounais et à des pêcheurs artisanaux dont les moyens de subsistance sont détruits par des chalutiers appartenant à des étrangers se livrant à des activités illégales dans les eaux nationales.
Selon la législation camerounaise, les chalutiers n’ont pas le droit de pêcher dans les cinq milles nautiques à partir de la côte, zone réservée exclusivement à la pêche artisanale. Pourtant, cette loi est régulièrement bafouée. Comme l’a révélé un membre d’équipage : « Il n'y a pas une marée que le bateau n’est pas allé à la côte.»
Pour les pêcheurs artisanaux, les conséquences sont graves. « Nous appelons même le poisson notre sauveur. C’est le poisson qui nous sauve. Grâce au poisson nous envoyons nos enfants à l’école. Grâce au poisson nous achetons tout ce que vous voyez ici, » a déclaré Benson Okonniyin Abel, pêcheur de Mbiako. « Mais aujourd’hui, ils ne s’arrêtent pas. Nuit, jour… Parfois ils viennent en nombre, 10 ou 12. »
À Yoyo, le pêcheur Ladi Ben a expliqué comment la destruction de son matériel l’a poussé à abandonner complètement la pêche : « Je suis fatigué. J’ai arrêté de pêcher. Je ne fais plus rien en rapport avec ça car cela ne m’apporte que des pertes. »
Les équipages travaillant à bord de ces navires ont également décrit des conditions éprouvantes et abusives : absence de contrat, nourriture et eau insuffisantes, violences infligées par des officiers étrangers. Un pêcheur a expliqué : « À la moindre erreur : bagarre — et leur bagarre est toujours… la machette, le couteau. » Un autre a ajouté : « Je pense que seuls nos dirigeants peuvent faire quelque chose. Seuls nos dirigeants peuvent renverser la situation. Tout ce qu’il faut, c’est la volonté de le faire. »
Depuis que la Commission européenne a adressé un « carton rouge » au Cameroun en 2023, interdisant l’exportation de poisson vers l’UE pour son incapacité à lutter contre la pêche illégale, le pays a pris plusieurs mesures. Parmi elles, l’adoption d’une nouvelle loi sur la pêche et l’aquaculture en décembre 2024 et l’adhésion à la Charte mondiale pour la transparence des pêches en avril 2025. Cependant, le film souligne que l’application de la loi et les mécanismes de responsabilisation restent insuffisants, mettant en danger les écosystèmes, les communautés et les recettes nationales.
Le Dr Badaï Élie, Chef de la Brigade de contrôle et de surveillance des activités de pêche au Cameroun, a souligné l’importance de protéger la pêche artisanale, qui représente plus de 80 % de la production nationale : « Quand la pêche INN est réduite au Cameroun… la quantité de produits de la mer [locaux] augmentera, et il y aura moins de produits importés. »
Steve Trent, Directeur général et fondateur d’EJF, a déclaré : « La pêche industrielle illégale prive les Camerounais de leur alimentation. Ces pratiques illicites suppriment des emplois, détruisent les écosystèmes et exploitent les travailleurs. Le gouvernement camerounais a pris certaines mesures encourageantes, mais il faut aller beaucoup plus loin pour garantir l’application effective de la loi, sanctionner les contrevenants et faire de la transparence la norme. Ce n’est qu’à cette condition que le Cameroun pourra assurer une pêche durable, légale et éthique.»
La prochaine étape cruciale pour le Cameroun consiste à concrétiser sa nouvelle loi sur la pêche. Cela passe impérativement par l'adoption du décret d'application qui lui donnera force exécutoire, par sa large diffusion auprès des parties prenantes, et par sa mise en œuvre effective sur le terrain, tant en mer qu'au sein des communautés côtières. Sans cela, la loi risque de rester lettre morte, et les chalutiers illégaux continueront impunément de dévaster les moyens de subsistance des populations et les écosystèmes marins, alerte l'Environmental Justice Foundation (EJF).
FIN
Notes aux rédacteurs
Regardez le film ici. Au moment du tournage, la loi camerounaise interdisait aux chalutiers de pêcher dans les trois milles nautiques à partir de la côte. Cette limite a depuis été étendue à cinq milles.
À propos d’EJF
Notre travail en faveur de la justice environnementale vise à protéger le climat mondial, les océans, les forêts, les zones humides, la faune et la flore et à défendre le droit fondamental de l'homme à un environnement naturel sûr, en reconnaissant que tous les autres droits en dépendent. EJF travaille au niveau international pour informer les politiques et conduire des réformes systémiques et durables afin de protéger notre environnement et de défendre les droits de l'homme. Nous enquêtons sur les abus, les dénonçons et soutenons les défenseurs de l'environnement, les peuples autochtones, les communautés et les journalistes indépendants en première ligne face à l'injustice environnementale. Nos campagnes visent à garantir un avenir pacifique, équitable et durable. Nos enquêteurs, chercheurs, cinéastes et militants travaillent avec des partenaires locaux et des défenseurs de l'environnement dans le monde entier. Pour plus d'informations, veuillez contacter media@ejfoundation.org.